• Point de vue modéré pour le OUI

                          Point de vue modéré pour le OUI

                              (je précise qu'il n'est pas de moi)

    Pourquoi voter oui à la constitution européenne est le bon choix.

    Première chose, j'utiliserais ici par facilité le terme de constitution européenne pour ce qui est véritablement un traité constitutionnel.

    Je ne développe pas ici une pensée destinée aux souverainistes. Je suis profondément convaincu qu'ils ont tort, mais ce n'est pas le sujet. Mon propos s'adresse aux européens, même pas les pros, juste ceux qui pensent que l'Europe est une bonne chose, mais qui ont des doutes concernant la constitution. Il est aussi valable, je l'espère, pour les pro-européens qui pensent que la constitution ne fera que freiner l'Europe ou la rendre plus libérale.

    Les arguments en faveur de l'adoption de la constitution sont nombreux, pour moi les principaux sont les suivants :

    1/Sans être fatal, un rejet par la France serait certainement préjudiciable.

    Comment ne pas penser que le refus de ratification par la France pourrait amener à une crise ? La France est l'un des pays fondateurs, l'une des deux « grandes puissances » européennes à avoir sans faille poussé à l'extension des prérogatives de la communauté. La France est de même le principal pays à porter le projet d'une « Europe puissance ». De même, la France a présidé les travaux de rédaction de la constitution. Elle a été l'un des pays à l'origine du projet (en rebondissant sur la proposition de Joshka Ficher il est vrai). Dans ce contexte, le refus par la France d'une ratification serait grave. Il ouvrirait une crise, sûrement pas fatale, mais importante des institutions et de la dynamique de la construction européenne et ce au moins pour une dizaine d'années. On peut juger que ce ralentissement n'est pas insurmontable. Je pense qu'on aurait tort. En premier parce que la crise ainsi ouverte pourrait dégénérer et, pour le coup être fatale. En second lieu parce que le monde à besoin d'une Europe qui puisse peser actuellement, et que ceci est une chance pour l'Europe autant qu'un besoin pour le monde.

    2/La constitution effectue une simplification sensible des fonctionnements institutionnels européens.

    Ne nous leurrons pas, la constitution européenne ne va pas rendre l'Europe d'une clarté limpide. Elle va cependant considérablement simplifier un certain nombre de choses en termes juridiques. Pour la première fois, nous aurons des actes législatifs définis, des actes d'exécution etc.
    De même, la structure en pilier, qui était à la source d'un grand nombre de complications disparaît. Sans être parfait, le nouveau fonctionnement est aussi plus démocratique. Les procédures de prise de décisions à la majorité qualifiée sont appliquées à plus de domaines. Le mécanisme de codécision, qui accorde une place de choix au parlement, devient le principe et les exceptions diminuent. La constitution renforce les aspects fédéraux de l'Union Européenne et la fait de plus en plus ressembler à un Etat supranational. Le Parlement en chambre basse, le Conseil en chambre haute, la commission en exécutif et le conseil européen (la réunion des chefs d'Etats et de gouvernements) en président. Les diverses modifications institutionnelles, comme la limitation du collège des commissaires ou l'élection pour deux ans et demi de la présidence du conseil de l'Europe (et corrélativement du conseil des ministres européens) sont parmi les mesures les plus louables en termes de stabilisation des institutions (la présidence tournante ayant toujours été un problème).

    3/La constitution élargie considérablement les attributions de l'Union Européenne.

    L'Union Européenne ne peut agir que dans les domaines qui lui sont explicitement attribués selon le principe de subsidiarité. Autrement dit, l'Union ne peut agir que là où l'action des Etats n'est pas suffisante. Sans rien changer au principe de subsidiarité, la constitution européenne donne beaucoup plus d'attributions. Autant de domaines qui seront donc gérés collectivement et avec une plus grande mutualisation des moyens. Un exemple est particulièrement probant, celui de la défense. Sans être explicitement attribuée à l'Union du fait de la troisième partie, la défense est mentionnée comme une attribution communautaire, ou du moins comme un domaine sur lequel l'Union peut influer. Hors l'Europe développe 10% des capacités militaires américaines pour 50% du budget militaire américain. Une meilleure mutualisation des moyens serait sans aucun doute la voie royale vers une plus grande efficacité et une véritable politique étrangère commune.

    4/La constitution apporte tout un ensemble d'avantages annexes.

    1. Grâce à la constitution, l'Union en tant que telle se dote de moyens juridiques de protection des droits fondamentaux qui doublent ceux des Etats (et ne remplacent pas, le régime appliqué par les juridictions sera le plus favorable aux individus). Les garanties pour les droits individuels s'en trouvent renforcées.

    2. La constitution élargit et solidifie le cadre des coopérations renforcées entre Etats (type Monnaie Unique ou Schengen). Ce qui neutralise en partie les dispositions restrictives pour les pays qui souhaitent aller de l'avant.

    3. La constitution permet, dans certaines hypothèses d'accorder des attributions supplémentaires dans les domaines nécessaires à la poursuite des buts de l'Union. Cette disposition simplifie considérablement les choses : elle permet de ne pas négocier et modifier un traité pour chaque changement mineur. Même si cette disposition existait déjà depuis l'Acte Unique, elle s'en trouve élargie.

    4. La constitution est appelée à remplacer touts les textes précédents en droit communautaire, ce qui rendra ce dernier infiniment plus lisible.

    Il y a aussi bien entendu un certain nombre de contre arguments, trois, majeurs dans la rhétorique du camps du non qui peuvent être écartés facilement :

    1/Refusons, on aura mieux après.

    Il serait sot de penser qu'un texte acquis à l'arrachée entre 25 négociateurs puisse être facilement renégocié. Surtout, vu l'agenda de négociation des partisans du non. Les points les plus problématiques resteront des points d'achoppement et seront donc forcément bottés en touche sous forme intergouvernementale (fonctionnement à l'exclusion du parlement à l'unanimité). Cette attitude relève, à mon sens, du caprice d'enfant gâté. Le camp du non en France semble vouloir imposer ses visions et ses projets au reste de l'Europe, sans penser qu'effectivement l'Europe se fait à 25 et que les points de vues anglais danois ou des PECO doivent être pris en compte. C'est argument va en général de pair avec l'argument : cette constitution ne pourra pas être modifiée puisque les modifications devront être approuvées par tous. Cela a toujours été le cas avec tous les traités internationaux, donc les traités européens précédents. Hors, depuis le début de la construction européenne, la cadence de signature des traités n'a cessé de s'accélérer.

    2/Votons non à la constitution pour refuser l'entrée de la Turquie.

    C'est un argument particulièrement absurde, et même contre productif. Les deux questions ne sont en aucune façon liées. Le battage médiatique qui a été fait autour de cette question tient de la pure désinformation. La Turquie peut rentrer dans l'Union en l'état actuel, et elle pourrait tout aussi bien ne pas rentrer si la constitution était adoptée. L'adhésion de la Turquie est un problème sans aucun rapport avec celui de la constitution. Il commence à se régler depuis l'ouverture, la semaine dernière des négociations. Il s'agit aussi d'un argument contre productif puisque en adoptant la constitution, l'Europe se doterait d'un cadre de négociations plus solide face aux demandes Turques. Inversement l'Europe pourrait exiger davantage de la Turquie sur le plan politique.

    3/Cette constitution aboutit à une Europe plus libérale.

    C'est faux, au contraire. Pour la première fois, si la constitution est adoptée, un traité européen reconnaîtra une notion proche de celle de service public. Même si on est loin du service public à la française avec ces « services économiques d'intérêts généraux », il s'agit là d'une avancée non négligeable. Il n'y pas d'inflexion libérale sensible dans la constitution si on la compare aux textes précédents. Il est vrai que l'Union Européenne est aujourd'hui dominée par une idéologie néolibérale, la prégnance du droit de la concurrence en atteste. Mais justement, elle l'est en l'état, et la constitution n'entérine pas cette domination. Au contraire même puisqu'elle reconnaît une notion approchant de celle des services publics.

    Au final, nous avons affaire à un texte imparfait sur bien des aspects. L'institution créée par l'instauration du Ministre des affaires étrangères européennes semble par exemple assez absurde. Il est aussi vrai que la troisième partie de la constitution codifie et donc restreint en grande partie les attributions de l'Union. Elle en aura toujours plus avec la constitution qu'elle en a actuellement. Il est aussi vrai que la signature de cette constitution aboutit de facto à l'abdication d'une part de la souveraineté nationale. C'est indéniable, c'est même tout le sens de la construction européenne. Cette abdication peut faire peur. Je pense quant à moi qu'elle est nécessaire. Puisque le cadre étatique d'action publique est de plus en plus dépassé, il faut retrouver une dimension du territoire ou les politiques publiques pourront redevenir efficaces et pertinentes. Qu'on le veuille ou non, qu'on soit prêt ou non à renoncer pour cela à une part de sa souveraineté, ce cadre, c'est l'Europe.

     


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